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16 décembre 2025Dans la plaine du Rhône valaisan, un jeune atelier d’architecture défend une vision du métier où l’art et la fonctionnalité se conjuguent. Portrait d’une structure qui place l’expérience humaine au cœur de ses projets.
L’atelier ne paie pas de mine depuis la rue. Installé à Monthey, dans le canton du Valais, B39 Architecture & Design fait partie de cette nouvelle génération de bureaux qui cherchent à redéfinir les codes de la profession. Ni agence tentaculaire, ni cabinet de renom aux projets spectaculaires, cette structure se positionne sur un segment particulier : celui de l’architecture pensée comme une expérience humaine avant d’être un objet technique.
« Tous les projets dans la vie débutent par un désir », pose l’équipe en préambule. Une formule qui donne le ton d’une approche où la dimension émotionnelle du bâti compte autant que sa performance énergétique ou sa conformité réglementaire. Dans un secteur souvent dominé par les contraintes techniques et budgétaires, ce positionnement interroge : comment concilier ambitions artistiques et réalités économiques ?
Une philosophie qui place l’usager au centre du processus

Le discours de B39 insiste sur une conviction : l’architecture ne se résume pas à sa matérialité. « C’est une représentation de l’humanité à travers un mariage harmonieux entre utilité, beauté et sentiment », affirme l’atelier. Cette vision emprunte aux grands principes vitruviens, solidité, utilité, beauté en y ajoutant une dimension sensible.
Concrètement, cette approche se traduit par une méthodologie qui débute systématiquement par une phase d’écoute approfondie. « Nous commençons par comprendre en profondeur les besoins et les souhaits de nos clients », explique l’équipe. Chaque projet est envisagé comme une narration spécifique, avec ses contraintes, ses opportunités et ses enjeux propres.
Cette attention portée à l’usager n’est pas nouvelle dans la profession. De nombreux architectes revendiquent une démarche participative ou centrée sur le client. Ce qui distingue B39 tient davantage au vocabulaire employé, emprunts à l’univers artistique, références aux sens et aux émotions, qu’à une méthode radicalement innovante.
Des réalisations entre habitat collectif et bâtiments publics
Le portfolio de l’atelier montre une activité concentrée sur trois typologies principales. Premier volet : l’habitat collectif, illustré par le projet Gare 4, un immeuble dont les détails techniques ne sont pas précisés sur le site de l’atelier. Deuxième axe : l’habitat individuel, avec la Villa Langins qui témoigne d’une capacité à intervenir sur des projets résidentiels plus intimistes.
Troisième secteur d’activité : les bâtiments publics, représentés par le projet Simplon 10. Cette diversification typologique suggère une volonté de ne pas se cantonner à un segment de marché, stratégie courante chez les jeunes structures qui cherchent à stabiliser leur activité.
La localisation valaisanne de l’atelier n’est pas anodine. Le canton connaît une dynamique de construction soutenue, portée par le développement touristique et résidentiel. Cette implantation offre des opportunités, mais confronte aussi les architectes à des enjeux spécifiques : intégration paysagère dans un territoire alpin sensible, gestion des risques naturels, adaptation aux contraintes topographiques.
L’art comme fil conducteur du processus créatif

« L’ART représente l’essence de notre travail », revendique l’équipe. Cette référence permanente à la dimension artistique de l’architecture reflète un débat ancien dans la profession : le bâtiment est-il une œuvre d’art ou un produit industriel ? Pour B39, la réponse ne fait pas de doute.
Cette posture se manifeste dans le vocabulaire employé : « arrangements visuels remarquables », « sensations mémorables », « œuvres intemporelles ». Un registre qui tranche avec le langage technique habituellement utilisé dans le secteur. L’inspiration puiserait dans « les diverses cultures, les paysages et les mouvements artistiques », combinant tradition et innovation.
Reste à voir comment cette ambition artistique se concrétise dans les projets livrés. Sans images détaillées des réalisations ni retours d’usagers, difficile d’évaluer la pertinence de cette approche. L’architecture se juge in fine à l’usage : les espaces créés répondent-ils effectivement aux besoins ? Génèrent-ils les émotions recherchées ? Vieillissent-ils bien ?
Les défis d’un positionnement artistique dans un marché concurrentiel
Le secteur de l’architecture connaît en Suisse une forte densité de bureaux, particulièrement dans les cantons dynamiques comme le Valais. Pour se démarquer, les jeunes structures doivent trouver un positionnement clair. B39 fait le pari de la dimension artistique et humaine, là où d’autres misent sur la performance énergétique, la préfabrication ou le BIM (Building Information Modeling).
Ce choix comporte des risques. D’abord, le discours sur l’art et l’humanité doit se traduire concrètement dans les projets, sous peine d’être perçu comme du marketing creux. Ensuite, cette approche nécessite du temps, écoute des clients, recherches formelles, attention aux détails, dans un secteur où les délais et les budgets se resserrent.
La question de la rentabilité se pose également. Les projets artistiques requièrent souvent des investissements en temps de conception qui ne sont pas toujours valorisés financièrement. Comment l’atelier parvient-il à équilibrer ambitions créatives et réalités économiques ? Le modèle est-il viable sur le long terme ?
Une génération qui cherche à réhumaniser le bâti

Au-delà du cas B39, ce positionnement illustre une tendance plus large dans la jeune architecture suisse et européenne. Face à une production standardisée, à des normes de plus en plus contraignantes et à une pression économique forte, certains praticiens cherchent à réaffirmer la dimension sensible et humaine du métier.
Cette réaction s’inscrit dans un contexte de questionnements plus vastes sur l’urbanisme et l’habitat. Les critiques se multiplient contre les quartiers fonctionnels mais sans âme, les logements optimisés mais impersonnels, les espaces publics sécurisés mais désinvestis. La demande sociale pour des environnements bâtis de qualité, qui favorisent le bien-être et le lien social, s’exprime de plus en plus clairement.
Reste à voir si des structures comme B39 parviendront à imposer leur vision dans un marché dominé par des logiques industrielles et financières. Leur capacité à démontrer que l’approche artistique et humaine génère une valeur mesurable, satisfaction des usagers, qualité d’usage, pérennité du bâti, sera déterminante pour la crédibilité de leur modèle.
Dans un canton valaisan en pleine mutation, entre développement touristique et résidentiel, l’atelier montheysan défend en tout cas une certaine idée de l’architecture. Une vision qui refuse de réduire le bâtiment à sa seule fonction utilitaire et qui parie sur l’émotion comme composante essentielle de l’espace habité.
Contact : B39 Architecture & Design
Localisation : Monthey, Valais, Suisse
Site web : b39.ch
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